LIBERTÉ D’EXPRESSION

Militer pour une liberté d'expression, c'est souhaiter que toutes les opinions s'expriment, y compris et surtout celles avec lesquelles on est en désaccord.
D'ailleurs, comment pourrait-on savoir si on est en accord ou en désaccord avec un point de vue, s'il n'est jamais arrivé jusqu'à soi ? Ou si on n'a jamais pris la peine de l'examiner ? Ou si on s'est contenté de reprendre à son compte une étiquette apposée par des tiers ? Des tiers sur lesquels, bien sûr, d'autres tiers ont apposé d'autres étiquettes. Vertige.
Travailler pour une liberté d'expression, c'est refuser d'accorder la moindre importance aux invectives, aux catégorisations en tous genres dont l'usage varie en fonction des sujets et des modes : révisionniste, complotiste, radicalisé, extrémiste, négationniste, etc. Ne voyez-vous pas que ces étiquettes sont de la même veine que celles que vous croyez souvent combattre ? Le racisme, le sexisme, le spécisme (pour ceux à qui ça parle)
Ceux qui mettent en oeuvre la censure le font parfois pour accroître leur pouvoir ou leurs gains, mais plus souvent parce qu'ils sont acculés dans une impasse dont ils n'ont pas le courage de sortir. Il faudrait avouer ses erreurs, confesser ses malhonnêtetés.
Quant à ceux qui applaudissent à la censure, encore plus navrants, ceux-là me font peur. Ils sont les maçons des murs de leurs futures prisons. Des ouvriers bénévoles, de surcroît !
La peur en est souvent la première cause. Elle se tapit dans les zones d'ombre de l'intelligence. Si quelqu'un vous dit qu'un discours est dangereux, c'est qu'il vous prend pour un idiot. Car celà signifie qu'il pense que vous n'êtes pas capable de vous en rendre compte par vous-même.
Souhaiter et oeuvrer pour une vraie liberté d'expression, c'est nécessairement laisser chacun se faire sa propre idée. C'est ne prendre personne pour un imbécile. C'est laisser s'exprimer ceux qu'on trouve imbéciles. C'est oeuvrer pour la culture du débat argumentaire.
Évidemment, c'est plus difficile. Mais c'est la seule attitude qui ait un sens. Si vous ne pouvez pas argumenter, votre rejet d'une thèse ne sera qu'un mépris. Au fil des années, vous vous habituerez à déléguer votre point de vue. Vous n'avancerez jamais.
Retroussez vos manches, cassez le cercle inertie-paresse-ignorance (qu'on pourrait appeler 'bêtise' si on cédait à notre tour à la tentation de l'estampille).
Pour nous qui sommes immergés dans la culture occidentale, où le savoir est trop souvent devenu un "savoir que" (merci Albert Jacquard), casser ce cercle navrant est un sacré programme. Pour beaucoup, ce serait une révolution personnelle. Un salut, probablement.
Pr Quolibet
(utopiste sans illusion)
(Image: Jared Rodriguez / Truthout)
16 novembre 2020 Quolibet BILLET
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