SINGER Peter

singerPeter Singer
(Né en 1946)
Philosophe


"Si un être n'a pas la capacité de souffrir, ni de ressentir du plaisir ou du bonheur, alors il n'existe rien à prendre en compte. Ainsi, c'est le critère de la sensibilité (pour employer ce mot comme raccourci pratique, mais en toute rigueur inexact, pour désigner la capacité à souffrir et/où à ressentir le plaisir) qui fournit la seule limite défendable à la préoccupation pour les intérêts des autres. Fixer cette limite selon une autre caractéristique comme l'intelligence ou la rationalité serait la fixer de façon arbitraire.

Pourquoi ne pas choisir quelque autre caractéristique encore, comme la couleur de la peau ? les racistes violent le principe d'égalité en donnant un plus grand poids aux intérêts des membres de leur propre race quand un conflit existe entre ces intérêts et ceux de membres d'une autre race. Les sexistes violent le principe d'égalité en privilégiant les intérêts des membres de leur propre sexe. De façon similaire, les spécistes permettent aux intérêts des membres de leur propre espèce de prévaloir sur des intérêts supérieurs de membres d'autres espèces. Le shéma est le même dans chaque cas."
(La libération animale - Peter Singer)

Compte rendu résumé de la conférence de presse de Peter Singer du 29 mai 1991 en France.

"Je n'ai pas été amené à m'intéresser à ces questions par amour des animaux, mais grâce à la philosophie.
Avec mes étudiants, nous étions tout à fait d'accord qu'il est normal qu'il existe un principe d'égalité entre les hommes. Alors nous avons voulu qu'il en soit de même à une échelle non humaine. Nous nous sommes posé la question : Pourquoi ce principe d'égalité n'est appliqué qu'aux humains ?

A l'époque dans la mesure où je n'étais pas un amoureux des animaux, j'ai essayé de comprendre pourquoi on applique un niveau moral aux animaux et pourquoi on met les animaux à un niveau plus bas.
Au début, je suis allé voir ce qu'on écrit les autres philosophes à ce sujet. A ma grande surprise, peu d'entre eux s'y étaient intéressés. Cela m'a fort étonné étant donné le très grand nombre d'animaux qui meurent chaque jour pour notre confort.
Il y avait quelque chose qui n'allait donc pas. Le nombre d'animaux utilisés pour la vivisection, par exemple, est énorme. alors pourquoi n'en parlions-nous pas ? Cela pouvait peut-être s'expliquer par la tradition philosophique propre à Kemp : seul un être capable de raisonner ou d'agir indépendamment est digne de prétendre à un traitement moral.
Bien entendu, cette explication de Kemp n'expliquait pas le fait que l'on puisse maltraiter les animaux. Cela d'autant plus que les hommes sont parfois dans cette situation. C'est notamment le cas pour deux groupes : les enfants et les personnes qui ont perdu la capacité de raisonner indépendamment.
Or, ces derrnières années, les droits des enfants anormaux ont beaucoup évolué. De plus, les animaux ont parfois la capacité de réagir et de raisonner tout comme les êtres humains, or, on n'étend pas les 'droits' des animaux.
En conséquence, comment justifier la différence entre humain et non-humain.

Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de justification. Notre attitude envers les animaux doit être modifiée. Après que j'ai suivi ce changement d'attitude, j'ai vu un parallèle avec le racisme, le sexisme et le specisme. Dans ces cas, on suit toujours le même schéma: il y a un group dominant qui est situé dans une sphère morale et il y a un groupe inférieur qui se trouve à l'extérieur du groupe moral.
J'ai vu un parallèle entre le fait que les animaux aient été négligés par les philosophes et le fait que les noirs américains aient été négligés par ceux qui se battaient pour les droits de l'homme.
J'en ai déduit qu'il fallait sortir de cette perspective anthropocentrique qui considérait tout ce qui n'est pas humain comme une ressource à exploiter. J'ai développé une morale basée sur l'égalité de considération humain non humain, étant donné que toutes les espèces peuvent souffrir. C'est une philosophie qui a été développée plus profondément par le professeur Haine, enseignant de philosophie à l'Université d'Oxford. A partir de là, il était clair que si on voulait modifier ce concept d'égalité avec les animaux, il fallait modifier notre relation.
J'ai commencé à m'intéresser à la vivisection. Mais à l'époque peu de personnes savaient ce qui se passe dans les laboratoires. Il était clair que pour les scientifiques, les animaux n'étaient que des outils et qu'ils ne prenaient pas en compte leur sensibilité.


Quand au animaux destinés à notre alimentation, on se base sur l'hypothèse que leur intérêt est inexistant. De plus, il y a toujours eu des hypothèses erronées pour encourager la consommation de viande. On prétend notamment qu'elle est nécessaire à notre santé. Or, des études scientifiques montrent que l'on peut s'en passer sans que cela nous nuise.
Dans les pays développés, l'élevage des animaux destinées à notre consommation suscite un énorme gaspillage. On ne récolte qu'un dixième de la nourriture utilisée pour l'élevage. De plus, l'élevage intensif a d'énormes conséquences sur la nature. Il est notamment une des raisons de la déforestation en Amérique du Sud. La viande n'est donc pas nécessaire. Le seul argument qui reste pour motiver sa consommation est le goût. Si l'on comprae tout ce que les animaux subissent dans les élevages, dans les abattoirs etc., il est clair que l'égalité de considération n'est pas appliquée aux animaux. Si l'on veut respecter ce principe moral de considération, on doit modifier notre attitude.

On pourrait croire qu'il est difficile que des personnes changent leur vie, leur nourriture. Mais les personnes qui l'on fait ont beaucoup apprécié cette expérience. Le mouvement de libération des animaux a une implication nutritive mais aussi morale.
Je suis persuadé que ce mouvement va se développer dans les années 90 en un mouvement éthique et politique. il y a de plus en plus la recherche, le désir de faire concorder sa vie matérielle, sa vie morale et son éthique.

J'essaie de montrer que l'idée de libération de l'animal est basée sur un principe d'égalité. Ce principe d'égalité doit être étendu aux animaux.

Questions à Peter Singer :

- Que faire s'il y a des populations animales à réguler ?
Le problème que vous venez d'invoquer est en général dû à l'intervention de l'homme sur la nature. Si on prend l'exemple de l'Australie, il n' y a pas de prédateur et donc une prolifération. Je fais parti d'une commission australienne qui étudie des moyens contraceptifs pour limiter la surpopulation animale. Aux Etats-Unis, par exemple, on n'utilise des piqûres pour stériliser les chevaux.

- Ne craignez-vous pas que pour des raisons géographiques, certaines ethnies soient obligées de manger de la viande, les esquimaux par exemple ?
Ma position s'applique surtout à notre société. Il est certain que nous ne pouvons pas obliger les esquimaux à ne plus manger de viande.

- Qu'entendez-vous par la notion "Animaux" ?
Dans la notion animale, j'entends en fait la possibilité qu'a un être vivant de souffrir. il y a les vertébrés, les invertébrés, les molluques, après on ne sait pas s'ils souffrent. Je ne pense pas que les arbres ou les plantes puissent souffrir. Mais un arbre mérite respect. j'associe la notion de conscience à la souffrance. Ce ne peut être le cas pour l'arbre.

- Au niveau du racisme, du sexisme, on dit un noir est égal à un blanc, mais pas la race noire est égale à la race blanche. Cela paraîtrait choquant. Au niveau des animaux, souhaitez-vous que l'on dise une espèce est égale à une autre espèce ou un chat est égal à un autre chat ?
Je suis favorable à cette dernière considération. Si l'on adoptait la première, cela signifierait que si une espèce est en voie de disparition, on la sauvera. Mais si ce n'est pas le cas on pourra tuer des individus de cette espèce impunément. Le principe d'égalité ne peut être basé sur l'espèce, il doit l'être au niveau de l'individu.

- Quels sont les signes qui vous font penser que la situation va évoluer tel que vous le souhaitez ?
Il y a 15 ans, quand j'ai publié "Animal's Liberation", il n'y avait pas de mouvement de protection des animaux. Aujourd'hui, l'association PETA compte 300 000 membres. Plusieurs changements ont été effectuées, entre autre, au niveau de la vivisection pour l'industrie cosmétique. De plus, l'élevage industriel a été abandonné en partie dans quelques pays: Suède, Angleterre, Suisse.

- La France est réticente pour abandonner ces pratiques !
C'est vrai, par rapport à certains pays, la France est peut-être à l'arrière.

- Que pensez-vous des manipulations génétiques ?
Les animaux transgénétiques sont tous malades. Ils sont victimes, par exemple, de l'arthrose.

- En France; les asssociations se battent entre elles. Est-ce le cas dans le monde entier ?
C'est regrettable, mais cela s'applique dans le monde entier. La situation est toutefois meilleure en Australie où il existe une Fédération d'associations.

- Pourquoi utilisez-vous le terme "libération animale" ?
Je préfère utiliser le terme libération des animaux pour des raisons philosophiques. Le terme 'droit des animaux' est dangereux. Les gens risquent de garder certains droits sur les animaux.

- Lors de la Commission baleinière, on souhaite améliorer les conditions d'abattage des baleines. Qu'en pensez-vous ?
Si la baleine doit mourrir, je préfère qu'elle meure sans souffrir. Mais il existe des produits de substitution aux baleines. J'encourage les initiatives pour réduire les souffrances des animaux. Mais c'est le comportement qu'il faut changer. On peut ne plus manger de viande.

- Je pense qu'il ne sert à rien de sensibiliser les adultes à la protection des animaux. Ils y sont bien souvent indifférents. Ce sont les enfants qu'il faut sensibiliser !
Les enfants ont naturellement une attitude positive envers les animaux. Ce n'est qu'après que les parents leur enseigne qu'il est logique que l'on exploite les animaux à notre seul profit.