HUGO Victor

hugoVictor Hugo
(1802 - 1885)
Écrivain, poète


Je t'admire, oppresseur, criant : oppression !
Le sort te tient pendant que ta démence brave
Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave.


"La vivisection est un crime !"

Veuve et filles de Claude Bernard lancèrent la Ligue antivivisectionniste française dont Victor Hugo accepta la présidence en 1883 en déclarant dans son discours inaugural : " La vivisection est un crime !"
(Hontes et échecs de la médecine - Hans Ruesch)

25 janvier 1884.

A Monsieur Viguier, Président de la Société française contre la vivisection qui avait écrit à Victor Hugo pour lui demander de venir protester contre la vivisection ou d'écrire quelques lignes dans ce sens.

Monsieur,
Votre lettre est excellente, car elle est éloquente. Dites votre pensée dans ce grave sujet ; ce sera la mienne.

VICTOR HUGO

(Le Rappel, 28 janvier 1884)


À un homme partant pour la chasse

Oui, l'homme est responsable et rendra compte un jour.
Sur cette terre où l'ombre et l'aurore ont leur tour,
Sois l'intendant de Dieu, mais l'intendant honnête.
Tremble de tout abus de pouvoir sur la bête.
Te figures-tu donc être un tel but final
Que tu puisses sans peur devenir infernal,
Vorace, sensuel, voluptueux, féroce,
Échiner le baudet, exténuer la rosse,
En lui crevant les yeux engraisser l'ortolan,
Et massacrer les bois trois ou quatre fois l'an ?
Ce gai chasseur, armant son fusil ou son piège,
Confine à l'assassin et touche au sacrilège.
Penser, voilà ton but ; vivre, voilà ton droit.
Tuer pour jouir, non. Crois-tu donc que ce soit
Pour donner meilleur goût à la caille rôtie
Que le soleil ajoute une aigrette à l'ortie,
Peint la mûre, ou rougit la graine du sorbier ?
Dieu qui fait les oiseaux ne fait pas le gibier.

(Recueil : Dernière gerbe)


Liberté

De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?
De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
Qu'est-ce qu'ils ont donc fait tous ces innocents-là
Pour être au bagne avec leur nid et leur femelle ?
Qui sait comment leur sort à notre sort se mêle ?
Qui sait si le verdier qu'on dérobe aux rameaux,
Qui sait si le malheur qu'on fait aux animaux
Et si la servitude inutile des bêtes
Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ?
Qui sait si le carcan ne sort pas des licous ?
Oh ! de nos actions qui sait les contre-coups,
Et quels noirs croisements ont au fond du mystère
Tant de choses qu'on fait en riant sur la terre ?
Quand vous cadenassez sous un réseau de fer
Tous ces buveurs d'azur faits pour s'enivrer d'air,
Tous ces nageurs charmants de la lumière bleue,
Chardonneret, pinson, moineau franc, hochequeue,
Croyez-vous que le bec sanglant des passereaux
Ne touche pas à l'homme en heurtant ces barreaux ?
Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde !
Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde.
Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ?
À tous ces enfermés donnez la clef des champs !
Aux champs les rossignols, aux champs les hirondelles ;
Les âmes expieront tout ce qu'on fait aux ailes.
La balance invisible a deux plateaux obscurs.
Prenez garde aux cachots dont vous ornez vos murs !
Du treillage aux fils d'or naissent les noires grilles ;
La volière sinistre est mère des bastilles.
Respect aux doux passants des airs, des prés, des eaux
Toute la liberté qu'on prend à des oiseaux
Le destin juste et dur la reprend à des hommes.
Nous avons des tyrans parce que nous en sommes.
Tu veux être libre, homme ? et de quel droit, ayant
Chez toi le détenu, ce témoin effrayant ?
Ce qu'on croit sans défense est défendu par l'ombre.
Toute l'immensité sur ce pauvre oiseau sombre
Se penche, et te dévoue à l'expiation.
Je t'admire, oppresseur, criant : oppression !
Le sort te tient pendant que ta démence brave
Ce forçat qui sur toi jette une ombre d'esclave
Et la cage qui pend au seuil de ta maison
Vit, chante, et fait sortir de terre la prison.

(La légende des siècles)


La loi Grammont

Juillet 1850 : l'Assemblée Nationale adopte la première loi consacrée à la protection des animaux, la Loi du comte Grammont (1792 - 1862) - sous la pression de Victor Hugo. Cette loi sanctionne les brutalités commises à l'encontre des animaux domestiques : "Seront punis d'une amende de cinq à quinze francs, et pourront l'être d'un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques. La peine de la prison sera toujours appliquée en cas de récidive".


"Pas une bête qui n'ait un reflet d'infini "


J'aime l'araignée

J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Parce qu'elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;
Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,
Pour peu qu'on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

(Les contemplations)


"Les bêtes sont au bon Dieu"

Fils, apprends comme on me nomme
Dit l'insecte du ciel bleu,
Les bêtes sont au bon Dieu,
Mais la bêtise est à l'homme.

("La coccinelle" - Les contemplations)


Le crapaud

Le soir se déployait ainsi qu'une bannière;
L'oiseau baissait la voix dans le jour affaibli;
Tout s'apaisait dans l'air, sur l'onde; et, plein d'oubli,
Le crapaud, sans effroi, sans honte, sans colère,
Doux, regardait la grande auréole solaire;
Peut-être le maudit se sentait-il béni;
Pas de bête qui n'ait un reflet d'infini;
Pas de prunelle abjecte et vile que ne touche
L'éclair d'en haut, parfois tendre et parfois farouche;
Pas de monstre chétif, louche, impur, chassieux,
Qui n'ait l'immensité des astres dans les yeux.

("Le crapaud" - La Légende des siècles)


"Poussière d'âme"

(...)
Les oiseaux
Sont de la poussière d'âme.
Le nid que l'oiseau bâtit
Si petit
Est une chose profonde ;
L'oeuf ôté de la forêt
Manquerait
A l'équilibre du monde.

("Chanson des oiseaux" - la fin de satan)


La nichée sous le portail

(...)
Les cathédrales sont belles
Et hautes sous le ciel bleu;
Mais le nid des hirondelles
Est l'édifice de Dieu.

(Les contemplations)