PLATON

platonPlaton
(427 - 348 av JC)
Philosophe grec


La différence entre l'homme et l'animal varie selon le degré d'âme (...) A chaque degré de spiritualité correspond un degré ou une forme d'incarnation.

Il y a des bêtes qui sont des hommes tombés et qui peuvent, au cours des cycles de la transmigration, redevenir des hommes - et même mieux que des hommes. Mais il y a aussi peut-être des bêtes qui n'ont jamais été des hommes, qui se trouvent dépourvues de passé et donc d'avenir, des âmes mortes en quelque sorte. C'est à l'intérieur de l'animalité que se dessine la frontière : on ne peut savoir lesquels des animaux (et cela vaut tant pour les espèces que pour les individus) sont seulement des bêtes et lesquels ont été et peuvent redevenir des hommes. Et comme de surcroît il y a des hommes entièrement bestiaux (les tyrans, par exemple), la séparation entre hommes et animaux, entre spiritualité et matérialité, ne peut consister que dans cette rupture tragique entre le sensible et le sens que constitue l'oubli. Tout ce qu'on peut dire, c'est que la ligne de partage passe entre l'âme et l'animal : l'absolument animal serait le vivant complètement dépourvu d'âme, celui dont la morphologie ne pourrait être reprise dans la signification et rapportée à quelque trait humain.

Une hiérarchie entre les vivants qui se meuvent peut donc s'établir, et selon un unique critère ; la pesanteur de leur enveloppe corporelle. Les dieux sont les astres dont les corps de feu roulent dans le ciel; les hommes ont des corps matériels, mais, redressés, par leur force spirituelle, ils sont capables de la station debout qui commande leur rapport à l'altitude et à la lumière; quant aux bêtes, elles ont dû renoncer à cette station debout, à moins qu'elle n'aient jamais pu s'y tenir. Une échelle animale se déploie en vertu de ce révélateur pondéral. Par ordre de spiritualité décroissante et de matérialité croissante se succèdent les oiseaux, les quadrupèdes et les rampants. Les oiseaux reproduisent dans le ciel les performances des dieux, mais leurs ailes sont empiriques et dénuées de signification spirituelle. Les quadrupèdes, entièrement oublieux des Idées, ne peuvent pas se tenir debout et ne voient même pas le ciel sensible, ce sont des âmes paresseuses, à ras de terre. Les rampants, les reptiles, mais aussi les poissons et les coquillages, se tiennent pour ainsi dire encore plus bas.
("Eléments pour une zoologie philosophique", Critique, Jean-Louis Poirier in Le Silence des bêtes, Elysabeth de Fontenay)