MONOD Théodore

monodThéodore Monod
(1902 - 2000)
Scientifique naturaliste, explorateur, érudit et humaniste français


"La belle image de la montagne unique à gravir par des sentiers différents n'est pas nouvelle, c'est déjà celle que décrit le prophète Esaie 'où ne se fera ni tord ni dommage où l'on a plus à apprendre la guerre' où les hommes reconciliés entre eux le seront enfin aussi avec les autres animaux.
Comme Albert Schweitzer pensait en allemand, il n'a pas dû dire "respect de la vie" mais 'Ehrfurcht vor dem Leben' donc révérence plus que respect"
(Courrier du 28 mars 1997)


Cette nouvelle morale du respect de la vie devrait permettre à notre pensée de transcender les raisonnements anthropocentriques où elle se cantonnait jusqu'ici pour découvrir la profonde unité du monde vivant et la solidarité des choses d'un bout à l'autre de la chaîne des organismes. Il faut retrouver ce que l'homme moderne a depuis longtemps perdu, le sens du cosmique.

On pourrait excuser l'homme d'être encore barbare. On attribuerait sa cruauté, son insouciance à sa jeunesse. On parierait sur sa maturité et sans doute aurait-on raison de le faire. Mais voilà, le danger nous cerne de tous côtés. "Soyez féconds, multipliez et remplissez la terre. vous serez un sujet de crainte et d'effroi pour tout animal de la terre, pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la terre, et pour tout les poissons de la mer" : c'est ce que vous pouvez lire au chapitre 9 de la Genèse. Comment voulez-vous que l'aventure humaine se passe bien sous de pareils auspices ? Les trois monothéismes ont déclaré que l'homme était le roi de la Création. Mais l'homme n'est en réalité le roi d'aucun royaume. Il est prisonnier de ses instincts. Il est souvent assez consternant de constater que certains textes dans la Bible servent à cautionner ou légitimer des comportements parfaitements barbares. (...)

Comment votre père a-t-il pu prendre tellement à coeur le problème de la souffrance animale à une époque où ces questions, en Occident tout au moins, n'intéressaient personne ?

Les animaux, dans leur détresse, entre les mains de leurs bourreaux, l'ont ému. Dans son autobiographie il écrit par exemple que le spectacle d'une toile d'araignée où se débattait silencieusement un moucheron "formulait toute l'énigme de la Providence".

Peut-on sincèrement éprouver de la pitié pour un moucheron ?

Lorsqu'on parle de la défense des animaux, il existe toujours un problème de définition. De qui parle t-on ? Les associations protectrices pensent d'abord aux vertébrés et particulièrement aux mammifères puisque nous sommes nous-mêmes des mammifères. Leur action ne concerne pas par exemple les échinodermes, les méduses ou les éponges. Pourtant il convient de distinguer à mon sens entre les méduses qui sont dotés d'un système nerveux et qui peuvent donc souffrir et les éponges qui en sont dépourvues. Il faut épargner la souffrance dans la mesure du possible.

(Révérence à la vie - conversation avec Jean-Philippe de Tonnac - Théodore Monod)